Webinaire 7

Présentation du webinaire : Comment les banques évaluent les risques climatiques et les intègrent dans les évaluations du risque de crédit

ACADÉMIE DE LA BEI POUR LA BANQUE ET LA MICROFINANCE POUR LES PME EN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE 2022

SÉRIE DE WEBINAIRES – SESSIONS D’APPRENTISSAGE

Thème 7 : Comment les banques évaluent les risques climatiques et les intègrent dans les évaluations du risque de crédit

24 mars 2022, 13h GMT (Abidjan) / 14h (Cotonou, Paris, Francfort, Douala, Kinshasa)/ 15h (Lusaka, Harare, Johannesburg) / 16h (Addis-Abeba, Nairobi)

Le septième d’une série de webinaires organisés par l’Académie de la BEI dédiée aux banques spécialisées dans le financement des PME et à la microfinance en Afrique de l’Ouest et du Centre, en partenariat avec Making Finance Work for Africa (MFW4A), s’est tenu le 24 mars dernier. Il avait pour thème « Comment les banques évaluent les risques de crédit et les intègrent dans les évaluations de risque de crédit. »

L’audience était celle des grands jours avec environ 234 participants, ce qui reflète l’importance de ce thème, eut égard à l’impact des risques climatiques sur l’économie globale et notamment africaine. Après le mot d’ouverture par Jane Feehan, Cheffe de la délégation de la Banque Européenne d’Investissement en Afrique de l’Ouest avec résidence à Abidjan, la modératrice, Carina Dunker directrice du Green Finance à IPC a posé le contexte.

D’emblée de jeu, elle a déclaré que le climat change et nous devons nous adapter à ces changements. L’objectif est de maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 1,5 degré Celsius pour transiter vers une société zéro carbone. Le secteur financier joue un rôle extrêmement important car il doit faire face aux risques physiques et de transition tout en les intégrant dans ses actifs et ses opérations.

Gerhard Mulder, expert en financement climatique et co-fondateur de Climate Risk Services (CRS) est intervenu sur pourquoi le risque climatique est important pour les institutions financières. Il a distingué la matérialité environnementale et sociale qui à trait à l’impact de l’entreprise sur le climat de la matérialité financière qui concerne l’impact du climat sur l’entreprise. Le changement climatique présente des risques et des opportunités. Les opportunités pour l’entreprise mais aussi pour la planète si les produits et services contribue à l’adaptation et l’atténuation du climat. Les risques pour l’entreprise sont liés à l’augmentation des risques climatiques tels que les tempêtes extrêmes, le stress thermique, ainsi qu’à l’accroissement de la règlementation. Selon Larry Fink, le PDG de Blackrock, une importante société de gestion de placements, le risque climatique est un risque d’investissement. La question fondamentale est qu’est ce qui est fait pour atténuer ces risques ? La Banque des Règlements Internationaux (BIS) a déclaré qu’il fallait repenser le risque climatique car les approches précédentes sont incompatibles avec la nature prospective incertaine des risques liés au climat. Il faut bien comprendre la différence entre risque physique et risque de transition et l’arbitrage entre les deux.  Soit nous investissons aujourd’hui dans l’atténuation du changement climatique pour prévenir les pires impacts physiques avec pour résultat un risque de transition élevé aujourd’hui mais moins à l’avenir, soit nous n’investissons pas dans l’atténuation aujourd’hui et en retour cela donnera un faible risque de transition aujourd’hui mais un risque physique élevé dans le futur. Il est probable aussi que nous verrons le pire des deux, car les chocs politiques soudains qui ne surviennent qu’après un risque physique important sont déjà verrouillés.

Le deuxième intervenant, Hermann Comoé, agronome, et expert en risque climatique physique a présenté la perspective du risque climatique physique et des institutions financières. En Afrique, la croissance de la productivité agricole a été réduite de 34% depuis 1961 en raison du changement climatique. Le réchauffement de l’atmosphère aura des effets négatifs sur les systèmes alimentaires en Afrique en raccourcissant les périodes de végétation et en augmentant le stress hydrique. Un réchauffement climatique supérieur à 2° Celsius entraînera une baisse des rendements des cultures de base et des cultures arboricoles dans la majeure partie de l’Afrique par rapport aux rendements de 2005. L’évaluation des risques climatiques physiques dans le secteur des prêts agricoles se fait en suivant deux approches : Dans la première approche, l’institution financière utilise un tableau de bord et un outil d’analyse du portefeuille. Les banques évaluent d’abord toutes les vulnérabilités au niveau du pays comme les changements progressifs de température ou de précipitations et/ou les changements aigus tels que des dangers puis ensuite celles au niveau du portefeuille en analysant les données du client comme sa capacité de remboursement, ou ses flux de trésorerie. La deuxième approche consiste en l’intégration d’une norme relative au climat dans le système de gestion environnementale et sociale de l’institution financière. Il s’agit principalement de politiques et procédures mises en place pour identifier, mesurer et gérer les risques environnementaux et les intégrer dans les opérations quotidiennes. L’intervenant a également identifié d’autres mesures d’adaptation et d’atténuation qui pourraient nécessiter les services d’une institution financière. Parmi les leçons apprises, l’on note la pertinence des modèles de simulation du climat et des cultures avec une qualité et une quantité élevées de données d’entrée. De plus en plus les banques optent pour des solutions d’assurance au niveau méso pour protéger leurs portefeuilles agricoles contre les risques climatiques ou elles obligent les agriculteurs à souscrire à une assurance pour obtenir un prêt bancaire.

Marc Daubrey,  expert en finance climatique et directeur général de Green Invest Africa a abordé trois angles à savoir l’approche triptyque risque-climat-crédit du point de vue de la PME verte ou verdoyante, les défis ou réalités sur le terrain du point de vue de la perception qu’ont les banques des PME vertes ou verdissantes, et enfin les solutions potentielles. En côte d’Ivoire, les PME jouent un rôle important dans l’économie comptant pour plus de 80% des activités économiques du pays. L’approche Green Invest est de prendre en considération le nexus climat-finance. S’il faut parler du risque climatique qui est réel, il faut aussi parler des activités et des secteurs climatiques, ainsi que de l’accès au financement qui permet d’accélérer et de capitaliser sur les opportunités.  Habituellement, les analyses internes des banques sont basées sur une approche ESM (gestion environnementale et sociale en français). Ceci est très pertinent dans l’évaluation des risques climatiques, mais les banques regardent aussi les PME vertes ou verdissantes sous l’angle de la relation client. Par ailleurs, comme il a été mentionné plus haut, l’idée est également d’identifier les principaux secteurs économiques dans lesquels opèrent les PME vertes et verdissantes. En Afrique de l’Ouest et même du Centre, les secteurs prioritaires sont d’abord ceux de l’agriculture, et de la foresterie, ensuite celui de l’énergie, avec en pointe les énergies renouvelables et le transport et enfin le secteur de la gestion des ordures. Sur le terrain, les banques disent que les éléments d’analyses sont bien sûr les risques techniques tels ceux du crédit, de la liquidité du marché ou encore le risque opérationnel. De plus en plus les banques prennent en considération les risques environnementaux et sociaux. A ceci il faut ajouter l’analyse classique qui consiste à examiner les critères d’octroi traditionnels tels la capacité de remboursement, le ratio d’endettement et l’analyse concurrentielle. En conclusion, plus les banques connaîtront d’avantage le mode opératoire des PME vertes et leurs secteurs d’activité et mieux ce sera. Pour sa part, Green Invest Africa essaie aussi d’apporter des solutions pour permettre aux banques d’aller de l’avant et de faciliter l’accès des PME vertes ou verdissantes au financement.      

Après une séance d’échange avec les participants, les panélistes ont partagé quelques messages de conclusion, soulignant l’importance des risques climatiques et de leur impact sur les institutions financières.

Le webinaire s’est conclu sur cette note.